Je suis une légende
Colonization fait partie des jeux de stratégie mythiques des années 90. Il est resté une solide référence malgré le temps passé. Rien de surprenant à ce que Firaxis en publie une nouvelle version en 2008… A défaut d’un véritable Colonization II.
Bryan Reynolds est un pionnier. En 1994, dans la foulée du premier Civilization, il produit avec Sid Meier un nouveau chef d’œuvre. Premier coup de génie : jouer la colonisation de l’Amérique, un thème passionnant et rarement traité avec pertinence. On y retrouve le scénario favori des bâtisseurs mégalomanes : édifier un empire en commençant de zéro, avec simplement un bateau et deux colons. Deuxième coup de génie : Reynolds a remarquablement synthétisé les mécanismes historiques de cette époque. Le jeu tourne autour de l’immigration de colons sur vos nouvelles terres. Bûcherons, planteurs, commerçants, politiciens : chaque point de population possède une profession. Leur nombre et leurs compétences décideront de l’efficacité de votre nation. Leur tâche principale sera d’exploiter les cultures locales (tabac, sucre, coton, peaux) qui nourrissent votre économie.
Piller les Incas ou les Aztèques est un bon moyen d’obtenir de l’or rapidement. Les relations de coopération/antagonisme avec les Amérindiens sont bien rendues.
Votre première activité consistera donc à exporter ces produits exotiques (ou à piller les tribus locales) pour financer votre développement. Mais à terme vos colonies ne servent pas qu’à approvisionner la métropole. En construisant des bâtiments et en faisant venir des spécialistes, vous commencerez à produire vos propres produits manufacturés, vos propres outils, vos propres armes et même vos propres navires. Vous serez donc de moins en moins dépendant de la couronne. Et cela tombe bien : le roi est un maître exigeant qui vous taxera jusqu’à votre dernier castor. Il faudra alors utiliser des hommes politiques pour faire monter le sentiment indépendantiste en produisant des « cloches de la liberté ». Dernier acte : une fois l’indépendance déclarée, il vous faudra défaire le corps expéditionnaire royal envoyé pour vous mâter.
Le système de jeu est un copier coller de celui de Civilization : une carte par case et des villes qui servent de centres de production. Les merveilles du monde sont remplacées par les « pères fondateurs », qui octroient des bonus généraux et qui sont produits par ces mêmes « cloches de la liberté ». L’ensemble de ce gameplay est à la fois très simple et remarquablement articulé. Et tout cela date de 1994, chapeau monsieur Reynolds !
Les Indiens sont des adversaires redoutables en début de partie, surtout si un Européen leur a vendu des fusils et des chevaux. On les voit souvent éradiquer toutes les colonies de départ d’une IA. De quoi rendre le joueur prudent !
Vous avez aimé le jeu original ? Alors cette nouvelle version devrait vous plaire : c’est exactement la même chose ! Colonization est en fait un mod de Civilization IV (graphismes légèrement retouchés, sons d’ambiance identiques) qui reprend les règles de 1994. On retrouve les mêmes tribus indiennes, les quatre mêmes puissances coloniales… Et donc les mêmes défauts. Par exemple, le Portugal, puissance coloniale historique, est toujours scandaleusement absent !
Niveau gameplay, les adaptations de Civilization IV se comptent sur les doigts d’une main : les unités militaires récupèrent le système d’améliorations, les généraux illustres sont intégrés (toujours aussi mal, avec leur distribution de 20XP) et les « traits » des différents leaders (voir ci-dessous) font leur apparition. La diplomatie n’a emprunté que la possibilité de signer des pactes défensifs avec les Indiens. Autre nouveauté : lorsque vous déclarez votre indépendance, vous devez choisir les grandes lignes de votre constitution. Mais son effet est limité à quelques bonus lors de la guerre d’indépendance. Etait-il si compliqué d’approfondir un gameplay vieux de 14 ans ?
Les tuniques rouges débarquent pour mâter les insurgés américains. Le système de combats est vraiment minimaliste.
Le système de combat, qui était déjà le point faible du jeu d’origine, est encore le parent pauvre de cette mise à jour. Il s’agit des mécanismes minimalistes de Civilization IV, associés au système d’unités anorexique de la version de base. Il n’y a en fait qu’un seul type d’unité terrestre : donnez des fusils à des colons, vous obtenez des soldats (miliciens), ajoutez-y des chevaux et vous obtenez dragons. Certains colons sont des soldats professionnels et ils formeront des unités plus efficaces (ils peuvent aussi travailler dans une colonie quand on leur enlève leurs fusils). Au moment de l’indépendance, le roi vous enverra ses propres troupes, plus redoutables que les autres. Le jeu est à peine plus détaillé sur les unités navales.
On ne retrouve donc aucune spécificité des guerres coloniales : pas d’embuscades (les améliorations donnent juste quelques bonus de terrain), pas d’éclaireurs indiens (les indigènes se battent de leur côté), pas de troupes d’élite à faire venir d’Europe. L’importance des cours d’eau, aussi bien pour l’exploration que pour le transport, n’est pas non plus rendue. L’esclavage est également absent, probablement pour des raisons de politiquement correct. Le problème de ce manque d’innovation est que, du coup, les mécanismes militaires, politiques et économiques risquent de paraître un peu courts à l’usage. Ils étaient terriblement efficaces en 1994, mais ils sont loin des standards de 2008. Les stratèges exigeants les auront rapidement décortiqués et risquent de répéter les mêmes stratégies.
La version que nous avons testée n’était pas définitive, mais l’IA était inquiétante. Elle avait notamment du mal à gérer le transport naval des marchandises : on croisait étonnamment peu de navires sortant de ses colonies. De là à dire qu’elle trichait pour vendre sa production, il n’y a qu’un pas… A confirmer…
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